LE LATEX L'OR BLANC DE THAÏLANDE
Quand on vient en Thaïlande et qu’on se promène dans la nature on rencontre très souvent des hévéas, l’arbre qui produit le latex.
Comme on ne connait pas cet arbre en Europe on ne le remarque souvent pas si l’on n’y prend pas garde.
L’arbre en lui-même n’est pas très beau avec son tronc élancé mais pas très gros et son feuillage malingre qui donne souvent l’impression que l’arbre est malade (ce qui n’est pas le cas).
L’œil peut être juste attiré par ces plantations d’arbres très géométriques avec des alignements parfaits qui font dire que l’on n’est pas dans une forêt naturelle mais dans une plantation.
On peut en rencontrer aussi bien dans le nord que dans le sud.
L’arbre et l’histoire
L'Hevea bresiliensis, originaire d'Amazonie est un arbre qui peut atteindre 30m.
Le latex est connu depuis des temps très anciens puisque les Aztèques et les Mayas s’en servaient déjà pour confectionner des balles ou imperméabiliser leurs vêtements.
C’est au 19e s que la production a flambé quand les progrès de la chimie ont permis d’utiliser le latex sous sa forme transformée, le caoutchouc.
A cette époque les débouchés ont alors été très nombreux, de la chaussure en passant par les pneumatiques et les utilisations médicales.
Aujourd'hui le latex naturel est moins répandu que le synthétique mais reste encore très utilisé car il offre certaines caractéristiques plus performantes que le caoutchouc synthétique.
A savoir que la Thaïlande est le premier producteur au monde de latex avec ses plus de 2 millions d’hectares plantés et 4,5 millions de tonnes récoltées. La production thaïlandaise représente 1/3 de la production mondiale.
Auparavant le Brésil était un très gros producteur de latex mais cette culture a quasiment disparu à cause de la présence d’un champignon pathogène qui a détruit toutes les cultures d’hévéas.
L’île de Koh Lanta est réputée pour son tourisme mais il y a également beaucoup d’hévéas dans le centre de l’île et vous pouvez très facilement en voir et même rencontrer les fermiers qui s’en occupent et seront ravis de vous expliquer toutes les particularités de cette culture.
La culture de l’hévéa demande assez peu de soins si ce n’est de nettoyer le pied des arbres pour éviter qu’ils soient étouffés par les mauvaises herbes ce qui freinerait leur croissance.
Il faut malgré tout être patient car une fois planté l’arbre ne sera exploitable qu’après 5 à 7 ans…
La récolte
La récolte se fait en faisant une saignée profonde dans l’écorce et en laissant le précieux liquide se déverser dans une demi noix de coco (ou un récipient en plastique qui aujourd’hui le plus souvent utilisé).
Le liquide est blanc et coagule assez vite au contact de l’air.
L’odeur n’est pas agréable rappelant un peu le lisier.
La saignée se fait en diagonale sur la moitié de la circonférence du tronc, en partant du bas et en remontant jusqu’en haut de l’arbre.
On peut répéter l’opération tous les deux jours et tous les 4 ou 5 ans on change de côté et on incise la deuxième partie de la circonférence de l’arbre laissant ainsi le temps à la première partie de se régénérer.
L’arbre peut ainsi produire du latex pendant une cinquantaine d’année avant d’être arraché.
A noter que le latex n'est pas la sève de l'arbre mais un liquide séparé circulant dans des canaux distincts et servant de défense en permettant la cicatrisation des plaies, tout comme la résine des conifères.
A savoir aussi qu’on ne récolte pas le latex à la saison des pluies car celui-ci serait dilué dans l’eau et serait de bien moindre qualité.
Auparavant jusqu’à il y a quelques années les producteurs passaient les demi boules de latex dans un laminoir et vendaient ainsi des plaques qui leur étaient acheté plus cher mais depuis la baisse des cours l’écart de prix est minime et on ne rencontre pratiquement plus cette pratique sauf chez les transformateurs.
L’utilisation du latex est pour environ 70% pour l’industrie pneumatique, le reste se répartissant dans des utilisations diverses dont le milieu médical pour une forte proportion.
Il faut savoir aussi que la production de latex est assurée pour environ 93% par de petites plantations familiales et non par de gros producteurs.
La transformation du latex
La plupart des exploitations ne font pas la transformation et celle-ci se fait soit sur des sites importants soit dans de petites unités artisanales.
Il y a plusieurs phases dans la transformation du latex.
1) On mélange le latex avec de l’eau et de l’acide formique (en gros 1,5 l d’eau et 200 ml d’acide formique pour 15 l de latex). On laisse reposer le mélange pendant une heure.
2) Le « crêpage » qui consiste à transformer les blocs encore gorgés d’eau en crêpe d’un kilo. Cette opération est réalisation au moyen d’un gros rouleau puis ensuite par calandrage.
3) Le séchage qui consiste à laisser égoutter et sécher ces crêpes une journée au soleil puis un mois dans un séchoir.
La situation de crise du latex
Aujourd’hui la guerre commerciale entre les Etas Unis et la Chine a fait chuter considérablement les cours.
Les petits producteurs qui représentent 93% de la production ont beaucoup de mal à survivre et ne payent plus aussi bien leurs salariés.
Beaucoup, face à cette situation abandonnent leur travail pour aller dans les villes travailler dans les usines où ils sont mieux payés pour un travail moins pénible ce qui entraîne une vraie pénurie de main d’œuvre.
Effectivement le latex se récolte principalement la nuit où aux heures les plus fraîches il coagule moins vite ce qui accroît encore la pénibilité sans compter que les ouvriers travaillent entre 12 et 15h par jour 6j/7.
Aujourd’hui un kilo de caoutchouc thaïlandais se vend 40 bahts (un peu plus d’un euro) sur les marchés mondiaux ce qui est cinq fois moins qu'en 2011 où les prix se situaient autour de 5 euros.
Aujourd’hui le prix ne couvre plus le coût de production et entraîne les salaires vers le bas.
Le phénomène de désertion des plantations pourrait prendre de l'ampleur: un million de travailleurs agricoles vivent de cette culture dans le royaume qui produit plus de 4,5 millions de tonnes par an, soit près d'un tiers de la production mondiale.
Aujourd'hui, les hévéas thaïlandais produisent à plein et le marché mondial ne peut plus tout absorber.
Quand les cours étaient hauts jusqu’en 2011 tout le monde a voulu planter des hévéas et aujourd’hui ceux-ci arrivent à maturité. Malheureusement les besoins mondiaux n’ont que faiblement progressé et de plus la demande chinoise diminue depuis quelques mois en raison de la guerre économique avec les Etats Unis. La Thaïlande est directement affecté puisque plus de la moitié des exportations vont en Chine.
Depuis juin le prix du caoutchouc a baissé de 20% ce qui est énorme.
Pour faire face aux contestations, le gouvernement Thaïlandais vient de débloquer une aide immédiate, plafonnée à un peu plus de 600 euros par plantation.
Les autorités veulent aussi réduire la superficie cultivée de plus de 60.000 hectares par an d'ici à 2022 contre le versement d'une compensation de 2.600 euros par hectare coupé, d'après l'autorité thaïlandaise du caoutchouc.
Ces mesures peuvent avoir un impact à très court terme mais on peut se poser la question sur du long terme car la Thaïlande étant le premier producteur de ce produit rare peut être vaudrait-il mieux dépenser l’argent à en faire sa promotion.
Même les gros consommateurs comme Michelin sont inquiets car si les producteurs et transformateurs délaissent la profession il y a risque à terme d’une qualité moindre et à plus long terme d’une pénurie.
Michelin achète 40% de son caoutchouc naturel en Thaïlande, l'achemine à Singapour avant de l'envoyer par cargo dans ses usines du monde entier.
Il faut donc espérer qu’un équilibre pourra rapidement être trouvé pour permettre à l’or blanc de Thaïlande de continuer à briller partout dans le monde…
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